Christian Andreo est directeur du pôle « actions revendicatives et développement » de AIDES. Pour ce lobbyiste avisé, entré dans le monde associatif comme simple militant, l’approche inter-pathologique est une évidence pour pouvoir peser et faire changer la société.
21 novembre 2012, lendemain de la déclaration du président François Hollande suggérant de laisser aux maires une « liberté de conscience » pour la célébration des mariages homosexuels. Christian Andreo est furieux. Dans une tribune publiée par Le Nouvel Observateur, il parle de « couardise politique », reproche au président de la République de « légitimer l’homophobie. » Et de conclure : « Ma liberté de conscience, en ce qui vous concerne, je l’appliquerai surtout dans les urnes. »
Si ce ton incisif, volontiers irrévérencieux, est aussi la marque de fabrique de AIDES, il n’y a pas de hasard. Christian Andreo est l’actuel directeur de la communication, du plaidoyer et de la recherche de fonds de l’association. Liberté de conscience donc et liberté de parole qui le conduisent à ne pas faire mystère de sa bisexualité ou de son usage de drogues. « Je pense que c’est important d’être » out » sur un certain type de sujets, lorsqu’on le peut. C’est socialement utile par rapport à des personnes qui ne peuvent pas se permettre cette prise de parole-là », explique-t-il.
Longtemps bercé aux syncopes de la musique techno (10 ans en tant que DJ, 2 albums avec le groupe « Christine »), l’ancien raveur d’aujourd’hui 40 ans a gardé le goût pour les musiques, les mots et les projets qui réveillent les corps ou les mentalités. Surtout ne pas se fier à la lumière tamisée qui baigne son bureau avec vue sur le parc de la Villette. La tranquillité apparente du lieu contraste avec le caractère bouillonnant de celui qui l’habite. « Je passe parfois un peu pour une tête brûlée, mais je pense qu’il est fondamental d’être centré sur l’objectif à atteindre. Ma philosophie ? Un cap et foncer dessus ! »
Un parcours militant
L’aventure associative commence pour Christian il y a une quinzaine d’années, du côté de Marseille. Objecteur de conscience, il hésite un moment entre deux associations. « J’avais deux rendez-vous le même jour, avec AIDES puis avec une association qui faisait la promotion des musiques répétitives et synthétiques. Je suis allé au premier, pas au second, ça m’a paru évident. »
D’abord coordinateur du pôle marseillais, il devient rapidement chargé de communication de AIDES Provence. De ces années de militantisme de terrain, il garde « le souvenir de micro-événements qui marquent durablement, comme descendre en trombe sur le port de Marseille pour empêcher l’expulsion d’un Tunisien séropositif. C’est quelque chose qui vous change. » Directeur de la communication de AIDES depuis 2011 (et directeur des actions nationales depuis 2008), Christian Andreo a pour charge de représenter l’association auprès d’une multitude d’acteurs : ministères, agences, partis politiques, autres associations françaises et européennes, groupes d’experts, etc. Une fonction qui exige « de faire la jonction entre le fond et la forme, c’est-à-dire d’adapter le discours de AIDES aux différents interlocuteurs auxquels nous nous adressons ».
Si les déclinaisons du discours de AIDES sont aussi nombreuses, c’est que ce dernier a, au fil des ans, changé. Autrefois circonscrit aux personnes séropositives, le plaidoyer est devenu plus politique, avec des enjeux qui concernent la société toute entière. « Les restes à charge et, plus largement, la question des conditions socio-économiques que la société veut bien attribuer aux personnes malades chroniques est de celles qui me préoccupent le plus. Le fait que l’AAH – Allocation adulte handicapé – soit 200 euros en-dessous du seuil de pauvreté est socialement très révélateur ! »
Faire de nos faiblesses une force
Le militantisme associatif, tel que Christian le vit et l’apprécie au sein de AIDES et des [im]Patients, Chroniques & Associés, se caractérise par la capacité de « faire de nos faiblesses des forces. On cherche à ce que la parole collective s’élabore et s’incarne à partir d’un modèle d’investissement militant. Pas besoin d’être politologue, médecin ou travailleur social, pour parler ! » N’en demeure pas moins vrai que pour pouvoir s’adresser à tous ces acteurs en même temps, l’on n’est jamais trop armé et formé. Christian Andreo l’a bien compris, qui poursuit actuellement un master à Sciences Po consacré à la place des associations dans la société. « Je ressentais le besoin de me décaler un petit peu, de prendre du recul par rapport à ma pratique ». Un exercice du pas de côté qui lui permet aujourd’hui de mieux appréhender « ce qui forge un collectif militant, ce qui crée la mythologie collective dans l’action ». Ce qui en somme assure la cohésion d’un groupe, cette référence transcendante indispensable – même dans une société laïque – que le philosophe Régis Debray nomme « le sacré du collectif ».
Romain Bonfillon
Les [im]Patients, Chroniques & Associés et moi
« Quand j’ai pris mes fonctions à la direction des actions nationales, le collectif dénommé à l’époque Chroniques Associés faisait partie du périmètre sous ma direction et j’ai beaucoup travaillé à la façon de faire le lien entre le plaidoyer de AIDES et celui d’autres associations. Aujourd’hui, l’utilité d’une telle structure revendicative paraît évidente à tous, il en va de la place des personnes malades dans la société. Ensemble, les [im]Patients, Chroniques & Associés peuvent interpeller le pouvoir politique sur tout un tas de questions comme les minimas sociaux, le seuil de pauvreté, la démocratie sanitaire.
Les personnes atteintes de maladies chroniques ont donc un destin commun. Face à une société du rendement et de la performance, quelle place accorder à des personnes qui ne sont pas ajustées à ce modèle-là ? Les [im]Patients, Chroniques & Associés peuvent apporter des réponses à cette question fondamentale. Mais pour cette jeune association, les plus gros défis restent à venir, notamment celui du développement. Il nous faut trouver un modèle économique pérenne et expérimenter des modèles d’actions communes. »