Le président de l’AFD – Association française des diabétiques – est depuis 2006 à la tête d’une fédération de 105 associations. L’association de 20 salariés, qui fonctionne comme une véritable petite entreprise, représente plus de 3 millions de personnes en France vivant avec le diabète. Devenu incontournable dans le monde des maladies chroniques, cet ancien talonneur a pour habitude de prendre ses sujets de préoccupation à bras le corps.
La salle Laroque du Ministère de la Santé est pleine à craquer. Le colloque du jour, consacré à la prévention des maladies chroniques, voit se succéder experts et spécialistes un brin jargonnants. « … J’insiste », bégaye une chargée de mission à l’Assurance maladie, « je préfère que l’on parle d’usagers des soins que de patients. » Une voix forte, aux couleurs du sud-ouest se fait alors entendre. « Appelez-les comme vous voulez, l’important ce sont les résultats ! » Tout est dit, ou presque, de la nature pragmatique de Gérard Raymond.
Ancien technico-commercial dans l’industrie du cuir, Gérard Raymond a gardé de ces années fastes un talent de communicant et de négociateur. « Puis à 35 ans, je suis devenu diabétique, raconte-t-il. C’était au moment où professionnellement j’étais au sommet. J’étais devenu un bon bourgeois, bien gras, bien dans sa peau et son environnement. J’avais l’espérance de monter plus haut, mais la maladie m’en a empêché, ça a été pour moi une petite mort, une véritable fracture. Il a fallu apprendre à gérer la maladie au quotidien, avec l’envie de se reconstruire. Ca a été difficile pendant 5 ou 6 ans. » En 2001, il entre au bureau de l’AFD et en devient le président en 2006.
Les patients, ces experts
Né dans un pays de rugby, cet ancien talonneur (« je sais ce que je veux et j’aime avancer »), a joué un rôle moteur dans la mue de l’AFD. 2005 est une année charnière pour l’association : elle vient de prendre son indépendance vis-à-vis des professionnels de santé et bâtit un manifeste qui sert encore aujourd’hui de socle à toutes ses revendications. Parmi les multiples missions que l’association s’est fixées figurent en bonne place la défense des droits, les campagnes d’information et de prévention et l’accompagnement des personnes diabétiques par des pairs. Ce dernier point est pour l’AFD un credo, l’axe majeur de son développement. « Dans le diabète, tout compte : les facteurs environnementaux, l’équilibre nutritionnel, l’activité physique : la compréhension de sa maladie au quotidien est une nécessité pour rester en bonne santé. Le » patient-expert » est formé pour avoir une posture d’écoute, d’accueil et d’empathie », explique Gérard Raymond. La vision de l’association tranche donc radicalement avec celle du bénévole qui s’investit en dilettante. « L’engagement bénévole n’a qu’un seul critère : la perfection. Le travail rémunéré peut être une contrainte, n’être qu’ » alimentaire « . Pas le bénévolat. On s’engage dans une cause avec le cœur et les tripes. Dans ces conditions, on ne peut que bien faire son travail. »
Au-delà de la dénonciation
Derrière le côté « grande gueule » parfaitement assumé (« Je suis bougon et un peu colérique, mais c’est un jeu, un personnage que l’on se créé »), Gérard Raymond cache des qualités de redoutable stratège. Si l’AFD est particulièrement consultée sur toutes les questions de santé, c’est certes parce qu’elle représente près de 3 millions de personnes malades mais aussi parce qu’elle a fait le choix d’ » aller au-delà de la dénonciation « . « Je crois que si l’on veut être entendu, il faut savoir apporter des propositions responsables et raisonnables. C’est un souci permanent chez nous : que toutes nos propositions tiennent la route. » Un travail à plein temps qui exige quelques soupapes pour se ressourcer. Son secret ? « Passer 48 heures dans les Pyrénées, auprès de ma cheminée, de mon fauteuil, de ma femme et de ce magnifique pays. » Un ours Gérard Raymond ? Un renard, plutôt.
Romain Bonfillon
Les [im]Patients, Chroniques & Associés et moi
« Notre engagement aux côtés des [im]Patients, Chroniques & Associés est né d’une réflexion politique sur notre positionnement. Nous avions au départ avec nous des structures associatives représentant les familles, le handicap, mais aucune ne représentait les maladies chroniques. On s’est alors dit qu’il fallait créer un bloc pour avoir plus de poids. Il y a la nécessité d’avoir des actions communes, notamment sur la défense des droits, le travail, l’accès aux soins et l’accompagnement. Toutes les maladies chroniques doivent avoir accès à ce que l’on appelle l’éducation thérapeutique. La formation des patients-experts et des représentants des usagers pour accompagner les autres personnes malades doit également nous rassembler au sein des [im]Patients. »