L’enthousiasme est, comme le soutenait Voltaire, « une maladie qui se gagne. » Jean-Claude Malaizé l’a contractée très tôt. Chez cet homme, volontiers affable, le sourire et la ferveur sont comme une seconde nature. Sans doute l’ont-t-elles aidé à faire face à une seconde affection, bien plus grave : la sclérose en plaques.
D’apprenti boulanger en 1959, à commercial en 1970, Jean-Claude Malaizé, 67 ans, a beaucoup voyagé. Originaire de Troyes en Champagne, son métier l’a tour à tour amené à poser ses valises en Alsace-Lorraine, en Franche-Comté, en Bourgogne, et dans le Midi (PACA). Installé depuis 7 ans dans le Morbihan, il goûte enfin à un peu de repos (très peu, en fait…). Lorsqu’en 1989 un médecin « meilleur que les autres » établit enfin un diagnostic, Jean-Claude s’en trouve presque soulagé. « Pendant 11 ans, je me suis traîné littéralement. J’avais un sentiment d’ivresse dû à mes vertiges, une fatigue permanente. C’est d’ailleurs ce qui a permis à mon employeur de me virer. » Parmi les symptômes qui l’ont alerté, la diplopie (vision double d’un même objet). « Sur les routes, je voyais deux bandes blanches du même côté, l’une droite, et l’autre courbe. Comme m’avait dit un kiné un jour » il vous faut juste suivre la bonne ! » », plaisante-t-il.
Rapidement, comme une évidence, le militantisme est alors entré dans sa vie. « Le jour où l’on m’a diagnostiqué une sclérose en plaques, j’ai demandé au médecin s’il existait une association de patients en rapport avec cette pathologie. Il m’a parlé de l’AFSEP – Association française des sclérosés en plaques. J’ai de suite adhéré et me suis réellement impliqué au bout d’un an. » D’abord délégué dans le Var, puis membre du Conseil d’administration de l’association, Jean-Claude Malaizé est son vice-président « depuis un certain nombre d’années »…
Abnégation et combat
Le jour de notre rencontre, Jean-Claude a apporté à Paris un dossier pour le renouvellement de son fauteuil. « Cela fait un an et demi qu’il traîne, je ne prends pas le temps de le faire. Je passe au minimum 5 heures par jour pour l’AFSEP, mais c’est mon choix, personne ne m’y oblige ! » Au fondement de sa conception du militantisme, l’abnégation : « quand on est militant, il faut travailler pour le plus grand nombre et faire abstraction de soi. On y gagne aussi beaucoup sur le plan personnel, mais il ne faut pas que ce soit le but premier. J’ai la chance d’avoir la parole. Je vois tellement de gens qui ne peuvent pas s’exprimer et souffrent atrocement… tant que je peux parler, il faut que je parle pour eux ! »
La vie avant tout
Au cœur de la vie de Jean-Claude, il y a également le jazz et la peinture. « J’ai la chance d’être entouré de musiciens. Mon kiné, qui est un ami, est batteur, mon aide-soignant est guitariste. » Pour cet amoureux de la note bleue, les festivals constituent donc « des moments importants de l’année. » Passionné de peinture contemporaine, il admire aussi Pollock. Aux allergiques de l’abstraction la plus affranchie, il répond : « Peu importe l’intention de l’artiste, c’est ce que nous dit le tableau qui est intéressant ! Je suis arrivé un jour dans une expo face à un tableau qui figurait une rue et des maisons. Ce tableau était traité de telle façon que l’on pouvait y entrer et en sortir, à droite et à gauche. On n’était pas enfermé. Ce tableau m’a plu énormément, je l’ai acheté. »
Quelques jours après ces mots échangés, Jean-Claude Malaizé enverra un courriel. En pièces jointes, ses deux tableaux préférés, des œuvres expressionnistes abstraites, où foisonne la couleur. Il ajoutera : « J’ai réalisé que j’ai zappé lors de l’interview certains pans de ma vie qui pourtant ont compté, preuve que je ne regarde pas trop en arrière. »
Romain Bonfillon
Les [im]Patients, Chroniques & Associés et moi
Très actif au sein des [im]Patients, Chroniques & Associés, Jean-Claude a trouvé au sein du collectif un porte-voix supplémentaire pour « faire avancer des revendications », sa plus grande fierté. « Mon dada, c’est la vie à domicile. » Une notion qui sous-tend une multitude de revendications, comme l’accessibilité du lieu de vie (adapter son logement aux contraintes du handicap), des transports eux-aussi accessibles, le recours à des aides humaines. « C’est une énorme galère en France, peste Jean-Claude. Il n’y a pas assez d’infirmiers disponibles et trop peu de structures. Entre 3000 et 4000 personnes auraient besoin de vivre dans des établissements adaptés à leur pathologie. 350 seulement en bénéficient, beaucoup d’autres se retrouvent du coup en maison de retraite. » Et de préciser : « la vie à domicile n’est pas le maintien à domicile. On maintien en détention. On vit à domicile… Nous, nous voulons VIVRE ! »